Le Perroquet d’Afrique : derrière l’image, le texte
Le livre est de nos jours un des espaces privilégiés où l’on voit s’élaborer des dialogues et des complicités entre le texte visuel et le texte verbal. Dans le cas d’une œuvre littéraire par exemple, l’étude de ces dialogues et de ces complicités est intéressante du fait que l’image du frontispice fonctionne toujours « in praesentia », c’est-à-dire « en regard du texte qui l’a suscité ». Le cas est patent dans un roman comme Le Perroquet d’Afrique où l’illustration de couverture est assez révélatrice de la thématique développée, autant que de l’histoire racontée par le narrateur. La couverture de ce roman révèle un entrelacs de correspondances entre les éléments picturaux et verbaux, correspondances repérables au moins sur les trois paradigmes - sémiotique, esthétique et pathétique - décrits par Didi-Huberman dans La peinture incarnée.
Le Perroquet d’Afrique illustre donc parfaitement la problématique toujours actuelle du rapport entre la littérature et la peinture, et plus précisément du rapport entre illustration de couverture et texte romanesque. Des chercheurs comme Genette se sont déjà penché sur cette question dans une approche globale de l’analyse paratextuelle . En demeurant dans cette même optique, je me propose dans la présente étude de porter mon attention plutôt sur le fonctionnement de l’image dans le cadre d’une illustration de couverture. Je me pose ainsi la question de savoir comment s’élaborent, dans Le Perroquet d’Afrique, les divers axes de dialogue - interne et externe - entre les énoncés verbaux et les énoncés iconiques d’une part, et d’autre part entre l’illustration de couverture et le texte romanesque. Fondée sur les théories d’analyse sémio-linguistiques, la présente étude, qui s’inscrit dans la perspective barthienne de la rhétorique de l’image , se présente comme une double approche du texte visuel, tant dans sa dimension picturale que dans son rapport au texte verbal. En examinant parallèlement le statut/fonctionnement de l’image en situation paratextuelle et ses rapports au texte qu’il précède, je montrerai comment le frontispice de Le perroquet d’Afrique résume et annonce à la fois la thématique et l’histoire racontée dans le roman.
Par où commencer ?
La plupart des textes littéraires présentent un frontispice qui juxtapose deux modes de communication parallèles : il s’agit des énoncés verbaux et des énoncés picturaux. Pour Le perroquet d’Afrique, la disposition de ces énoncés sur la page de couverture révèle à la fois une superposition et une fusion des deux modes de communication, consacrant ainsi le frontispice comme un « lieu éminemment interdisciplinaire » où la littérature, la philosophie, la mythologie, les arts plastiques, l’intertextualité, la mise en scène théâtrale, etc. interfèrent pour confirmer au paratexte toute sa dimension sémiologique pluridimensionnelle. Rappelons avec Genette que « le paratexte se compose […] empiriquement d’un ensemble hétéroclite de pratiques et de discours de toutes sortes et de tous âges ». Cette considération permet d’entrevoir le frontispice, ou plus précisément l’image de couverture, comme un des éléments les plus importants du contexte / co-texte de l’œuvre. En réponse à la boutade de Barthes - « Par où commencer ? » - je dirai donc que la lecture de l’œuvre littéraire devrait aborder l’image de couverture en première analyse, dans la mesure où « l’activité paratextuelle […] pose les conditions de lisibilité de l’œuvre » . Daniel Bergez est formel à ce sujet quand il écrit :
Indépendamment de ses composantes techniques de base comme le format, le support et la matière picturale, la signification du tableau [disons de l’oeuvre] se construit d’abord - du moins dans l’art figuratif - à partir de la scène représentée et de l’ensemble des connotations dont elle s’accompagne à l’époque où l’œuvre est produite. Le tableau peut naturellement emprunter aux systèmes symboliques structurant la culture dont il participe.
L’image de couverture de Le< Jean-Blaise Samou
CALGARY, avril 2006
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