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Que se passe-t-il dans le Noun ?

Une curiosité locale à travers des élus municipaux, en l'occurrence Madame la Maire de la ville de Foumban, surprise en train de détruire une statue historique. Une statue qui lève un pan de voile sur la riche histoire du peuple Bamoun.

C'était sous le règne du roi Mbouombouo Mandù, 11ème de la dynastie Bamoun. Un grand guerrier, redoutablement fort, dénommé Nji Njiankuem, était pratiquement imbattable lors des grandes batailles. Il ne rentrait jamais sans un trophée de guerre c'est-à-dire : la tête de l'ennemi en guise de présent au roi, incroyable mais vrai !
Un jour malheureusement, il ne put faire plaisir à son roi après une rude bataille, ainsi il coupa la tête d'un chimpanzé qu'il présenta au roi. Le roi n'était pas dupe et trouva bizarre cette tête qui ressemblait étrangement à celle d'un être humain et interpella Nji Njiankuem sur ce point. Celui-ci apporta une réponse qui amusa tout le monde. " C'est la tête du peuple des longues bouches" tentant une explication ! Depuis cette histoire remarquable, référence en est faite chez les Bamoun, pour des personnes qui affichent des comportements assez particuliers.
Sa Majesté Ibrahim Mbombo Njoya 19e Roi de la dynastie Bamoun, pour restituer et honorer la mémoire de ce grand guerrier, en pérennisant cette histoire, érigea la statuette de Nji Njiankuem tenant dans sa main une tête de chimpanzé, à "la porte des tranchées". L'entrée emblématique du royaume à Foumban.

L'image de tout un peuple vacilla ce jour du lundi 17 Mai 2022, bafouée, écornée, traînée dans la boue par la municipalité, ceux qui ont la délicate responsabilité de la défendre, de protéger notre patrimoine culturel et de représenter les habitants de cette ville. Le peuple Bamoun, comme un seul homme, s'est levé pour dénoncer ce sacrilège. On aurait dit que Madame la Maire de Foumban avait profané un lieu sacré. Nous sommes donc face à ces tensions, qui se succèdent dans la rivalité, entre le Conseil Municipal et l'autorité traditionnelle. Nous sommes donc en droit de nous interroger sur les réelles fonctions du maire dans une circonscription comme Foumban, mieux se demander si le peuple Bamoun aujourd'hui ne serait-il à la croisée des chemins entre traditions et modernité ?

Un peuple millénaire avec des traditions séculaires qui s'est jusqu'ici adapté au temps.
"De la pure folie" de l'avis d'une grande partie de la population, qui s'est désolidarisée de leur élue !
Prenons un exemple, il n y a pas plus moderne que le Japon ! Ni plus traditionnel que le Japon! Pourtant la tradition et le modernisme dans ce pays fonctionnent sans écueil. Voilà peut-être ce dont il faudrait s'inspirer pour exciper les errements survenus ces derniers jours, et orchestrés par Madame la Maire de l'arrondissement de Foumban avec l'approbation de son Conseil Municipal. Ce qui nous amène à nous interroger sur les véritables mobiles de cette fougue inexplicable à l'encontre des vestiges historiques du Palais. Y aurait-il un bicéphalisme à la tête du royaume Bamoun pour que les actions menées par la royauté, soient aussi violemment contestées par une partie de la population, mobilisée autour d'une idéologie politique serait-on tenté de rajouter ?

Le mal est profond et le Noun en souffre. Le département du Noun est constitué d'une population vaste et cosmopolite. C'est un département qui s'étend à perte de vue et coupe pratiquement la région de l'Ouest en deux. C'est donc une zone extrêmement sensible dans cette partie du Cameroun. Le Noun, c'est aussi un peuple reconnu pour la richesse de sa culture. Une culture qui a connu son apogée avec le règne du 17 e roi de la dynastie ; le roi Njoya. L'artisanat, qui meuble le quotidien des populations, renforce ce volet culturel fort.

Ainsi, s'attaquer à cette culture, c'est enlever à ce peuple son souffle de vie, qu'il a forgé depuis des siècles. Toucher à l'un de ses attributs, c'est tuer ce peuple. Le combat de l'autorité municipale est donc visiblement loin des priorités de la population. On pourrait penser qu'il s'agisse là d'une Fatwa lancée contre l'autorité garante de la tradition, une tradition qui fait des envieux au-delà des frontières.

Sa Majesté le Sultan Ibrahim Mbombo Njoya, lors des travaux de rénovation de la porte des tranchées, avait littéralement campé au lieu-dit pour réaffirmer la force et la vigueur de son peuple en immortalisant également cette statue historique. Un haut lieu, un lieu chargé de mémoire, qui constitue le patrimoine matériel et immatériel du peuple Bamoun. Le roi avait tenu à vivre ces moments jusqu'à la fin. Les artisans et ouvriers du royaume s'en donnaient à cœur joie, animés par les griots et les multiples groupes de danse.
L'entrée principale du royaume Bamoun est donc un symbole de réunification de tous les Bamoun. C'est en réalité un symbole, qui trône au-dessus de la commune de Foumban, dont le mérite est d'abriter ces installations. Cela devrait en principe être un motif de fierté pour la municipalité, par rapport au reste des huit autres arrondissements.

Une autre curiosité lorsqu'on parcourt les artères de la ville, c'est : son délabrement, sa vétusté. La ville en effet manque d'éclairage et les populations peinent à avoir de l'eau potable. Tandis que la population aspire au développement socio-économique, la mairie préfère se focaliser sur la destruction des symboles historiques du peuple. Est-ce une option inhérente à ses attributions ?

Il convient donc pour mieux comprendre de revoir quelles sont les attributions d'un maire dans une circonscription comme Foumban? (1) et l'étendue de ses responsabilités (2).


I- Les attributions du maire dans une circonscription comme Foumban

Les dispositions pertinentes de la loi du 24 décembre 2019, portant code général des collectivités territoriales décentralisées, posent le problème de la responsabilité des élus locaux pour les actes ou omissions dans l'exercice de leurs fonctions. Le maire a des droits mais aussi des devoirs.
En son livre préliminaire, article 2(2), les collectivités territoriales décentralisées exercent leurs activités dans le respect de l'unité nationale, de l'intégrité du territoire et de la primauté de l'État. Le maire est chargé de conserver, d'entretenir et d'administrer les propriétés et les biens de la commune et d'accomplir tous les actes conservatoires de ces droits; de gérer les revenus, de surveiller les services communaux et la comptabilité communale; de délivrer les permis de bâtir, de démolir, ainsi que les autorisations d'occupations du sol; de préparer et de proposer le budget; d'ordonnancer les dépenses et de prescrire l'exécution des recettes ; de diriger les travaux communaux; de veiller à l'exécution des programmes de développement financés par la commune ou réalisés avec sa participation ; de pourvoir aux mesures relatives à la voirie municipale; de souscrire les marchés, de passer les baux et les adjudications des travaux communaux conformément à la réglementation en vigueur ; de passer selon les mêmes règles, les actes de vente, d'échange, de partage, d'acceptation de dons ou legs d'acquisition, de transaction lorsque ces actes ont été autorisés par le Conseil Municipal ; de prendre à défaut des propriétaires ou des détenteurs du droit de chasse, préalablement mis en demeure, toutes les mesures nécessaires à la destruction d'animaux déclarés nuisibles, conformément à la législation et à la réglementation en vigueur et éventuellement de requérir les habitants avec armes et chiens propres à la chasse de ces animaux, de surveiller et d'assurer l'exécution de ces mesures et d'en dresser procès-verbal ; de veiller à la protection de l'environnement, de prendre en conséquence les mesures propres à empêcher ou à supprimer la pollution et les nuisances, à assurer la protection des espaces verts et à contribuer à l'embellissement de la commune ; de nommer aux emplois communaux et d'une manière générale d'exécuter les délibérations du Conseil Municipal.
De ce fait, le maire ne saurait être un contrepoids à l'autorité traditionnelle, qui est la garante de la tradition, bien au contraire, ces deux autorités doivent œuvrer ensemble pour le rayonnement de la cité. Il est vite aisé en réalité de confondre les compétences dévolues au conseil municipal et les attributions du maire dans cette commune, si bien qu'au regard des évènements qui se succèdent, on a du mal à comprendre ce qui s'y passe réellement.



II- L'étendue de ses responsabilités

Notons en passant que le maire ne bénéficie d'aucune immunité particulière. Il peut donc en cas de violation des lois et règlements en vigueur et de faute lourde conformément à la section III de la loi du 24 décembre, portant code général des collectivités territoriales décentralisées, après avoir été entendu ou invité à fournir des explications écrites sur les faits qui lui sont reprochés, être suspendu par arrêté du ministre en charge des collectivités territoriales pour une période n'excédant pas (3)mois. Cette responsabilité s'étend d'ailleurs aux adjoints. Ils peuvent être soit réhabilités soit révoqués. La révocation est prononcée par le président de la République. Le maire révoqué ou destitué, ainsi que ses adjoints, conservent la qualité de conseiller municipal. La destitution peut également se faire dans le cadre d'une session extraordinaire convoquée par le représentant de l'État à son initiative ou à celle de la majorité des deux tiers (2/3) des membres du conseil. Cette délibération emporte d'office suspension du maire ou de ses adjoints dès son adoption. Elle est rendue exécutoire par arrêté du ministre chargé des collectivités territoriales. Il y va de même lorsque dans le cas où le maire refuse ou s'abstient de poser des actes, qui lui sont prescrits par la législation et la réglementation en vigueur.


Eu égard de ce qui se passe dans le Noun, il apparaît que dans la réalité l'Union Démocratique du Cameroun (UDC), n'a rien à proposer aux camerounais encore moins à offrir aux Bamoun, qui ont aveuglément cru en ces représentants. Il s'agissait beaucoup plus de problèmes d'individus, qui animaient les débats sur la place publique. L'acte posé par la présidente de ce parti, élue maire, démontre à suffisance que la lutte politique n'est pas dans l'intérêt des populations, ni du développement.
L'avenir de l'UDC, après la mort de son leader charismatique, le Dr Adamou Ndam Njoya est à questionner aujourd'hui. D'après une certaine opinion, si on faisait les élections, l'UDC pourrait ne pas réunir les suffrages nécessaires pour se maintenir dans son bastion.
Le Rassemblement Démocratique du Cameroun (RDPC) principal challenger de ce parti dans le Noun, pourra donc prendre l'avantage des errements de ce dernier, à condition de ne pas retomber dans les mêmes travers, qui ont favorisé son éclatement. La politique est certes ruse, mais elle a besoin d'un peu d'honnêteté pour se nourrir. Il s'agit de travailler pour l'intérêt général d'abord en occultant les fléaux tels que le favoritisme, la division, le népotisme, le clanisme tout en privilégiant la participation de toutes les compétences avérées pour le rayonnement des idéaux nationaux. Ensuite faire table rase du passé, en tendant la main même aux radicaux qui ont fini par retrouver leurs marques dans l'UDC.
Le peuple Bamoun a soif de nouveaux défis après plusieurs décennies de souffrances, de querelles inutiles. Le nouveau roi soleil-lune est porteur d'espoir pour un lendemain qui chante. Il en a les moyens, avec la faveur de la jeunesse gage de vitalité, de dynamisme et la sagesse héritée de son expérience professionnelle et traditionnelle fruit de son initiation au trône.
Le développement passe forcément par l'éducation. Il faudrait donc en faire une priorité dans ce département.

Daouda MBOUOBOUO Avocat, Poète-écrivain
juin 2022


Article publié sur le net sur camer.be Et dans "La Gazette du Noun"

https://www.camer.be/91182/30:27/cameroun-que-s...

Auteur concerné :

Daouda Mbouobouo


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  dernière mise à jour : 28 août 2024 | © Harmattan - 2024 | À propos | Paiement en ligne | conditions générales de vente et mentions légales | frais de port