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Le tribalisme, un fléau qui gangrène l'Afrique ?

Le tribalisme selon le petit Robert se définit comme étant une organisation de type tribal, et l'adjectif tribal renvoie à la tribu. La tribu est un groupement de familles de même origine, vivant dans la même région ou se déplaçant ensemble et ayant une même organisation politique, les mêmes croyances religieuses, et le plus souvent une même langue, des traditions, des règles de fonctionnement.
L'Afrique, cette terre d'accueil composée d'une mosaïque de peuples et de cultures était le symbole d'une fraternité forte, un haut lieu de la spiritualité et de brassage de populations d'origines diverses. Ces liens de fraternité qui tendent à s'effriter aujourd'hui et que tout le monde entretenait jadis, étaient fondés sur des valeurs de solidarité, de partage et d'équité. Ils se manifestaient à travers des gestes simples d'amitié et de respect. Le respect d'autrui, le respect de la chose d'autrui. Les barrières ethniques constituaient une richesse entre les hommes et étaient renforcées par des pratiques d'équilibre pour maintenir la paix. "Avant que ma salive ne sèche, va et ramène-moi la paix !" Pouvait oser dire le vieux sage. Tel chef donnait facilement un morceau de terre, une bête de son cheptel ou dans certains cas sa fille en mariage à tel autre chef, pour s'assurer la paix entre leurs deux tribus. Ceci permettait de sceller des alliances, des pactes d'amitié et de confiance exactement comme dans nos Etats modernes, à travers des relations bilatérales, multilatérales, des conventions entre les Etats.
Il devient donc urgent de construire un idéal commun de paix entre les différentes communautés. L'expression d'un vivre ensemble assumé, qui se traduirait par le renforcement d'un esprit collectif.
Nos Etats ont accédé à l'indépendance pour la plupart au début des années 1960, au prix du sang. Ils ont opté pour le maintien dans nos législations, des valeurs ancestrales et traditionnelles. Une vingtaine d'année plus tard, on dénote malheureusement une perte de vitesse dans le processus d'accélération du Vivre Ensemble et une poussée des individualismes, accentués par l'absence de mesures incitatives à vocation d'intégration nationale. Exemples de mesures : le développement des réseaux routiers qui favoriseraient le rapprochement des biens et des personnes, l'emploi régulier des symboles qui développeraient le sentiment d'appartenance général à une nation, l'équilibre dans la répartition des richesses. Il faudrait tenir compte naturellement que toutes les régions n'ont pas les mêmes potentialités économiques.
Notons en passant, même si comparaison n'est pas raison, que ces velléités ethnocentriques, communautaristes, sécessionnistes, nationalistes, indépendantistes, peuvent se retrouver ailleurs qu'en Afrique notamment en Europe où les conquistadores s'étaient largement servis du tribalisme pour asseoir leur domination.
Le tribalisme devient alors souvent un élément diviseur et forge un "esprit de clocher", une conception pyramidale de la communauté. Il est également formateur de frontières, de cloisonnement des populations et génère les microsociétés. En France on peut noter le cas des Basques, des Corses, des Bretons, des Alsaciens qui revendiquent leur attachement à une langue, un art de vivre voire une religion ; en Espagne, avec la revendication de la Catalogne comme indépendante. Le Nouvel Ordre Mondial de ce point de vue, devient une menace pour les Etats-Nations.

La question qui se pose est de savoir, ce qui a favorisé ce regain de repli identitaire dans la plupart de nos Etats aujourd'hui? Comment peut-on surfer sur le tribalisme pour espérer construire une nation harmonieuse ?

- Les causes non exhaustives du tribalisme en Afrique.
Comme le rappelait Brice Arsène Mankou dans l'un de ses articles : en Afrique, les guerres civiles et ethniques prennent souvent naissance à partir de la manipulation par les politiques des ethnies ou entités culturelles. Plusieurs cas montrent que le tribalisme fait partie de ces nombreux maux, qui minent ce continent dans sa longue marche vers la démocratie. On peut citer : en 1994 le cas du Rwanda, entre l'ethnie Hutu et Tutsi ; en 1993 au Congo-Brazzaville avec les partisans de Pascal Lissouba et de Bernard Kolélas ; les massacres en 1995 en RDC et tout récemment la crise dite anglophone au Cameroun.
Pendant les années 1990, soufflait le vent des démocratisations, grâce à la libéralisation de la vie politique et l'avènement du multipartisme. Ensuite, la prouesse des libertés s'estompe peu à peu et l'on assiste à un clanisme institutionnalisé, orchestré par des partis politiques malheureusement incapables d'asseoir leurs méthodes. La mauvaise gouvernance et l'échec des politiques, entraînent l'amertume et poussent les populations, devant l'impuissance politique, à chercher des réponses dans leur ethnie, leur tribu. La cassure est palpable de plus en plus au sein des communautés, marquées par la pauvreté, l'intolérance, la peur de la différence, avec des désirs de conquête et de conservation du Pouvoir. Le manque de démocratie à la base, développe des replis identitaires principalement dus aux sentiments d'injustice et de frustrations qui entretiennent ces clivages. C'est la logique du "Diviser pour mieux régner", une pratique très politicienne qui met en exergue les limites du rôle joué par l'Etat. Des fiefs et groupuscules se créent au gré des intérêts divers. Le sentiment d'appartenance à la nation s'étiole dangereusement. Les identités ne se reconnaissent plus véritablement en l'Etat et pourtant le brassage des populations est réel. Le sentiment de supériorité d'une ethnie sur une autre et le non-respect des droits humains trouvent un terreau fertile.
Tout cela n'entame pas fort heureusement les mariages inter-ethniques qui se multiplient malgré tout. Les individus d'ethnies différentes se rencontrent et se croisent sans que personne ne veuille transgresser ses clivages ethniques et ethnocentriques marqués par la peur de rompre avec son cordon ombilical. Le Vivre Ensemble devient une illusion sans fondements véritables. La dynamique à l'échelle nationale pour fusionner les consciences a du mal à s'arrimer aux mentalités.
Il paraît alors important de noter que le manque d'éducation et l'ignorance de la quasi-totalité des populations devant toutes ces causes énumérées, font du tribalisme une arme du politique africain.

- Les implications dans la vie socio- politique des Etats.
Le tribalisme a toujours été considéré comme un fléau social grave, un frein au développement socio-économique, un vibrant coup de fouet au Vivre Ensemble tant prôné par nos Etats. Le tribalisme exacerbé conduit fatalement au génocide. Le Congo Kinshasa a subi un des génocides les plus meurtriers que l'humanité ait connut, presque dans l'indifférence générale. En effet, depuis plus de 16 ans, on dénombre plus de 6 millions de victimes.
L'identité au XXIème siècle n'aura de valeur que si elle reconnaît et intègre les performances de l'homme dans son milieu social ; que si elle arrive, surtout de manière inconsciente, à réguler le flux de la pression du Nouvel Ordre Mondial ; que si l'Etat réussit à préserver et à développer le lien affectif avec ses populations à travers ses symboles forts et puissants.
Certains intellectuels également ont su activer ce levier sombre que constitue le tribalisme. Ils ont su sur quelle planche surfer pour développer ces fibres de repli identitaire au sein d'une masse en quête de survie. En prenant des prétextes, comme le verrouillage systématique de la vie politique par les détenteurs du pouvoir, sans issue d'alternance. La pauvreté ambiante a stimulé au sein de la population, de plus en plus frustrée, des velléités ethnocentriques. Cette démarche n'est pas sans heurt pour l'équilibre des Etats, frappés de plein fouet par la crise. Le sentiment d'exclusion ou d'appartenance à une frange marginalisée cède place à une cristallisation de personnes, de groupes ou de clans.
En réalité, la paix n'est pas exclusivement l'absence de guerre. Le slogan du vivre ensemble à ce moment perd son contenu. Il n'opère plus, du moins, les éléments d'accompagnement qui devraient le renforcer, manquent cruellement. Il devient de ce point de vue nécessaire de trouver des mécanismes qui permettent une saine émulation.

En définitive, le tribalisme est une autre absurdité de ce siècle comme la peine de mort l'était au siècle dernier.
L'essentiel c'est d'œuvrer à développer son espace vital afin de le rendre le plus harmonieux possible. Nelson Mandela ajoutait à ce propos que : "Personne ne naît en haïssant une autre à cause de la couleur de sa peau ou de son passé, ou de sa religion. Les gens doivent apprendre à haïr, et s'ils peuvent apprendre à haïr, on peut leur enseigner aussi à aimer, car l'amour naît plus naturellement dans le cœur que son contraire".
Je conclurai par l'un de mes poèmes intitulé : On ne choisit pas !
On ne choisit pas de naître pauvre ou riche
On ne choisit pas de naître blanc ou noir
On ne choisit pas, non on ne choisit pas

On ne choisit pas sa couleur tout comme on ne choisit pas sa religion
On ne choisit pas son ethnie tout comme on ne choisit pas sa tribu.
On naît c'est tout !

On ne choisit pas le cancer, on ne choisit pas sa terre
En réalité, c'est elle qui vous choisit
On ne choisit donc pas d'être Camerounais
On ne choisit pas d'être Malien
On ne choisit pas d'être sénégalais
Tout comme on ne choisit pas d'être Ivoirien
On naît c'est tout.

Heure de gloire et de pensée !

C'est donc une insulte de dire que l'autre n'est pas ton frère
C'est une insulte de penser que l'autre est étranger
C'est une aigreur de croire que l'enfer c'est l'autre

Car on ne choisit pas la maladie
On ne choisit pas ses frères
On ne choisit pas ses sœurs
On ne choisit pas sa famille !

On naît, c'est tout car en réalité on ne choisit pas !

Daouda MBOUOBOUO Avocat, Poète-écrivain
février 2018

http://www.camer.be/66443/30:27/le-tribalisme-u...

Auteur concerné :

Daouda Mbouobouo


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  dernière mise à jour : 28 août 2024 | © Harmattan - 2024 | À propos | Paiement en ligne | conditions générales de vente et mentions légales | frais de port