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Articles et contributions de l'auteur

Les discours de Sankara nous parlent encore aujourd'hui

N'oublions pas que c'est à Ouagadougou en 2014 qu'a commencé le "printemps" africain. La jeunesse africaine demande haut et fort à la communauté internationale de les libérer du joug dans lequel cette population vit. En réalité, pour qu'une nation soit grande, il faut qu'elle épouse le mouvement du monde disait un grand homme politique en son temps. Mais comment donc comprendre qu'au XXI e siècle, nous soyons encore logés à cette enseigne, où les abeilles en pleine ville prennent en otage violemment et à mort un individu, où les jeunes sont terrifiés par leur devenir, où il existe encore des formes d'esclavage des temps modernes. On s'en émeut, on s'en indigne certes mais pourtant le continent est assis tranquillement sur son or, comme un témoin résigné à la merci des prédateurs. Le prétexte donné, c'est la lutte contre l'immigration, le sous-développement.
" Je suis comme ce cycliste qui pédale pendant un bon moment et me rends compte que de gauche à droite, il y a un précipice. Si je m'arrête, je tombe, la seule chose à faire, c'est de continuer à pédaler." Disait Thomas Sankara, ancien président du Burkina Faso
Ainsi se résume la vie d'un homme qui nous ressemble certes mais qui se distingue en même temps de nous, qui lui ressemblons étrangement, par sa vivacité d'esprit, sa vitesse de pensée, sa vision fulgurante du monde.
A seulement 34 ans il avait déjà tout réussi, tout fait, côtoyer les grands de ce monde avec son regard enchanteur, son esprit brillant, un doux rêveur plein de charme et d'admiration. Nous avons appris de lui des mots au combien jadis négatifs se substituer en valeur comme paysannerie, c'est-à-dire la communauté de ceux qui résolvent pour tous quotidiennement la question de la nourriture, non cette caste péjorative de paysan arriéré, résigné, naïf, soumis à l'obscurantisme mais d'un paysan nouveau conscient des enjeux économiques et politiques, responsable et responsabilisé qui s'ouvre au futur en s'armant des technologies nouvelles ; des mots comme cotonnade au sens plein. Il leur a donné un sens, une raison d'exister, de vivre, un sens profond qui doit encore aujourd'hui nous interpeler plus que jamais.

Sankara, l'idéologue, le maitre à penser

Pour la société nouvelle, il faut un peuple nouveau, avec une identité propre, nouvelle qui cadre avec ses réalités. Un peuple convaincu et non un peuple de vaincu, ni de soumis. Tout pour se soustraire des maux que nous avons connus de l'héritage néocolonial ; l'analphabétisme, l'obscurantisme, la paupérisation, les brimades diverses, les maladies endémiques, la famine etc. Ce n'est pas le combat contre l'autre mais davantage contre nous-mêmes. L'impérialisme et la mendicité perpétuels ne peuvent pas développer un pays car il faut impulser une conscience collective qui doit pouvoir compter sur ses propres forces en repoussant le mimétisme servile. Sankara sur le plan idéologique n'était pas loin du Colonel Kadhafi. La démocratie ne s'importe pas car les réalités sont différentes, les mentalités aussi. La rupture doit donc être totale avec ces générations qui ont contribué à perpétuer un modèle de soumission voire de domination pour préserver des intérêts égoïstes et asservir le peuple.

Le combat d'un homme ; celui de la dignité, de l'équité, de la justice
La question de l'accès au grand corps qu'est le peuple, se pose avec acuité dans les discours de SANKARA dans l'optique de réduire les fossés inégalitaires, de restaurer les grands champs d'équilibres. Il s'agira de vaincre tous les obstacles, toutes les entraves au statut d'homme libre c'est-à-dire d'apprendre à réaliser ce dont il a besoin.C'est le seul gage de respect envisagé. Il faut gagner l'autre à la cause juste par la force des arguments. Les clivages ethniques, les discriminations de toutes sortes, partout où il y aura l'intolérance, nous devons comprendre que notre existence est liée à la lutte pour la réhabilitation de toutes ces controverses. Il faut en être conscient et fier d'être soi-même. Certaines personnes ont peur d'exister en tant qu'identité propre et préfèrent s'inféoder aux autres. Il faut donc s'accepter et accepter surtout de vivre africain car c'est la seule façon de vivre digne, de vivre libre.
La révolution Sankariste

Il faut combattre des hommes politiques qui ne pensent qu'à une catégorie de la population que lorsqu'il faut recueillir leur suffrage. Il faut pouvoir construire avec tout le monde sans exclusive. Une révolution contre tous ceux qui souffrent de l'oppression, contre tous ceux qui favorisent ce système ségrégationniste.
Sankara voulait une révolution assurément contre les mentalités rétrogrades parce qu'elles taraudent l'esprit de groupe. Tandis que les uns se battent pour renverser la tendance, soutenir l'équilibre, traiter l'équation de la dette, de la pauvreté, d'autres n'hésitent pas à tout mettre en œuvre afin que les résolutions issues des conclaves soient un échec.
Une culture qui permettra à l'africain de s'affranchir de tout complexe même alimentaire. Il pourra ainsi consommer ce qu'il a produit, le transformer dans son propre environnement au lieu d'importer. Un exemple cité plus haut celui de la cotonnade qui a eu un impact réel dans la société Burkinabé, cette appropriation des éléments qui fonde une culture. Elle est produite au Burkina Faso, tissée au Burkina Faso, cousue au Burkina Faso pour habiller les Burkinabé. Une réalisation des tisserands, des paysans Burkinabé. Des vêtements qui habillaient aussi officiels Burkinabés au cours de leur déplacement à l'étranger.

Thomas Sankara et la dette des pays africains

Sur les origines de la dette, Sankara remontait aux origines du colonialisme car la plupart des Etats qui ont prêté de l'argent aux africains, sont ceux qui les ont colonisés. Ces mêmes qui géraient ces Etats africains et leurs économies. Ce sont eux qui ont endetté ces Etats auprès des bailleurs de fonds. L'Afrique était tout à fait étrangère à cette dette. Il pensait donc que c'est une incohérence de dire qu'il faut payer une quelconque dette car la dette c'est encore une forme de néocolonialisme où les colonisateurs se sont transformés en assistant technique pour ne pas dire en assassin technique. Une dette impropre car à la base, des contrats viciés sinon imposés avec des projets ou montages financiers alléchants qui cachaient mal leur réalité.
En effet, des pays se sont endettés sur cinquante années, soixante années voire plus, compromettant ainsi l'avenir de plusieurs générations africaines. Aujourd'hui encore, elle revêt plusieurs formes contrôlées et savamment organisées. La problématique du Franc CFA par exemple qui refait surface. Une reconquête qui fait en sorte que chaque pays africain devienne l'esclave des systèmes financiers mis en place par ceux qui ont eu l'opportunité, la ruse, la fourberie de placer les fonds avec l'obligation de rembourser. Un vrai contrat de dupe lorsqu'on sait que toute la dette ne peut pas être remboursée. Il faut donc trouver des subterfuges pour arriver à maintenir la pression auprès de ces Etats qui manifestement ne peuvent plus rembourser la dette. Résultat, une instabilité politique galopante, une économie très fluctuante qui ne s'appuie véritablement sur aucune base solide. Une planche sociale inexistante sinon parfaitement entrecoupée.
Il se pose dès lors le problème de la responsabilité car on est responsable de quelque chose lorsqu'on est à la base de l'orchestration de cette chose. L'Afrique ne peut pas payer sa dette parce qu'elle n'a pas de quoi payer. L'Afrique ne peut pas payer sa dette parce qu'elle n'est pas responsable de cette dette. L'Afrique ne doit rien à personne car elle a payé de son sang pour voir les grandes nations devenir ce qu'elles sont aujourd'hui. Elle a œuvré, contribué à leur essor. Il est donc hors de question qu'elle soit astreinte à un quelconque régime fut-il allègement ou de remboursement de la dette.
La dette c'est aussi la conséquence des affrontements car la crise n'est jamais subite. Elle provient d'un clash des frustrations entre ceux qui exploitent et ceux qui subissent des inégalités. La lutte contre l'oligarchie financière qui dicte ses lois rigides et menace la vie, le monde autant aux masses qui vivent en occident qu'aux masses qui vivent en Afrique. Il s'agit d'une lutte contre un ennemi commun. Voilà qu'elle était la vision de ce président vis-à-vis de la dette africaine.
Pour conclure, il va s'en dire que le continent africain devrait pouvoir donner de l'argent à d'autres pays parce qu'il possède toutes les ressources humaines, économiques, un potentiel varié, jeune bien formé, un sous-sol riche, un climat favorable malheureusement la bonne gouvernance n'est pas encore la chose la mieux partagée sans doute à cause des politiques qui ne cadrent pas avec les aspirations des peuples.
Sankara, le père des huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD), exploités depuis 2000 par les Nations Unies selon Jean Emmanuel Pondi, est mort pour ses idées, assassiné à l'âge de 39 ans le 15 Octobre 1987. Il accède après la Révolution démocratique et populaire à la magistrature suprême de son pays, le Burkina Faso, autrefois appelé Haute Volta qu'il avait affectueusement baptisé " pays des hommes intègres", le 04 Août 1983.

Daouda MBOUOBOUO Avocat -Poète-écrivain

SOURCES : THOMAS SANKARA ET L'ÉMERGENCE DE L'AFRIQUE AU XXI E SIÈCLE DU PR JEAN EMMANUEL PONDI - WIKIPÉDIA - CONFÉRENCE " LA RÉVOLUTION SANKARA DE BRUNO JAFFRÉ…, décembre 2017

http://www.camer.be/64874/30:27/afrique-les-dis...

Auteur concerné :

Daouda Mbouobouo


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  dernière mise à jour : 28 août 2024 | © Harmattan - 2024 | À propos | Paiement en ligne | conditions générales de vente et mentions légales | frais de port